
DIMFE story: Restaurer les zones humides disparues de Malte : la renaissance du parc naturel de Salina
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Avec le soutien de DIMFE, BirdLife Malta a restauré une zone humide côtière dégradée au sein du parc naturel de Salina, créant de nouveaux habitats pour la faune et des espaces éducatifs pour le public. Ci-dessous, leur histoire racontée par BirdLife Malta.
Introduction
Couvrant moins de 0,5 % des îles maltaises, les zones humides comptent parmi les habitats les plus rares de l’archipel. Pourtant, elles abritent une flore et une faune riches, souvent uniques. En l’absence de rivières à Malte, il n’est pas surprenant que les zones humides d’eau douce y soient extrêmement rares et totalement absentes du littoral.
Les plus grandes zones humides du pays sont étroitement liées à BirdLife Malta, l’organisation responsable de la restauration et de la gestion des réserves naturelles de Għadira et Simar, toutes deux classées sites Natura 2000. Compte tenu du succès rencontré sur ces sites, il n’est pas étonnant qu’en 2018, BirdLife Malta se soit vu confier la gestion d’une autre zone humide : le parc naturel de Salina. Également classé Natura 2000, il comprend les plus grands salins du pays, un canal d’eau de mer, une zone de garrigue et une vaste zone humide côtière fortement dégradée.
Une zone humide dégradée
Pendant de nombreuses années, de grandes quantités de gravats et de déchets de construction ont été déversées sur une zone marécageuse située le long de la bordure nord de Salina, près d’un canal d’eau de mer. Cette activité a formé d’importants monticules de terre, détruisant complètement l’habitat, si bien que la zone ne comportait plus de plans d’eau, à l’exception d’un petit étang salin. Par ailleurs, un vaste réseau de canalisations d’égouts souterraines a été installé, traversant la zone. Lors de ces travaux, un cours d’eau douce qui se jetait dans la mer a été recouvert et détruit.
Malheureusement, de nombreuses espèces végétales et animales, dont plusieurs espèces menacées, ont disparu au cours de ce processus et n’ont plus été observées depuis des décennies. Le sol perturbé a été envahi par des espèces exotiques envahissantes telles que l’acacia à feuilles bleues et la canne de Provence. Dépôts de déchets, incendies et vandalisme étaient fréquents, et la zone subissait de constantes perturbations, notamment causées par les promeneurs de chiens sans laisse ou les pêcheurs qui dégageaient les roselières pour accéder à l’eau. La restauration de cette zone humide à l’abandon figurait clairement en tête des priorités de gestion du site de Salina.
Études et financement
Avant d’aller plus loin, BirdLife Malta a mené plusieurs études pour recueillir les informations nécessaires à l’élaboration du plan de restauration. Un hydrologue a été mandaté pour étudier les flux d’eau souterraine et vérifier s’il existait une interaction entre le petit étang et le canal d’eau de mer adjacent. En parallèle, une cartographie détaillée de la flore a été réalisée de manière saisonnière par un botaniste expert, afin d’intégrer des mesures de précaution pour protéger les éventuelles espèces rares restantes.
Des études similaires ont été menées sur l’entomofaune, car Salina est l’un des très rares sites d’Europe où l’on trouve le splendide criquet (Calliptamus splendidus).
Une fois ces études terminées, la phase la plus enthousiasmante a commencé : la planification de la restauration. D’innombrables réunions et visites de terrain, souvent accompagnées d’un architecte, ont conduit à l’élaboration des plans finaux : grands travaux de modelage du terrain, création d’un plan d’eau permanent et aménagement d’un espace éducatif spécifiquement conçu pour les jeunes enfants.
Restait un défi majeur : le financement. Une demande a été soumise à DIMFE, qui a accepté de financer la majeure partie des coûts prévus du projet.
Le début de la restauration
Les premiers travaux ont consisté à clôturer la zone. Bien que peu esthétique, la clôture s’est révélée indispensable pour protéger le site soumis à une forte pression humaine, entouré par l’urbanisation et un terrain de jeux sur trois côtés.
Une fois le site sécurisé, les travaux lourds ont pu commencer. En novembre 2022, des excavatrices ont été mobilisées pour retirer les tonnes de gravats accumulées au fil des années. Sous la supervision constante du personnel de la réserve, les machines ont créé un réseau de canaux et de mares peu profondes, propices à la vie aquatique et aux oiseaux.
Une grande partie de la terre excavée a été réutilisée pour former des levées qui, une fois végétalisées, ont plusieurs fonctions : fournir abri et nourriture à la faune, réduire les nuisances sonores et lumineuses, et masquer les perturbations visuelles liées à l’activité humaine. Associées à la clôture, elles permettent aussi de limiter l’intrusion humaine.
Les travaux de terrassement ont été achevés en avril 2023, suivis d’un programme intensif de plantation : environ 700 arbres et arbustes ont été plantés, principalement du tamaris africain et du gattilier, deux espèces indigènes adaptées aux conditions saumâtres. Des haies composées de nerprun, lentisque et arbre de Judée ont également été installées et reliées à un système d’irrigation goutte-à-goutte.
Grâce aux pluies persistantes du printemps 2023, la nature a rapidement repris ses droits. Le rare rubanier bec-de-canard s’est répandu dans l’eau, tandis que de grands bancs d’aphanius (Mediterranean killifish) ont été observés. Des bécasseaux variables, aigrettes garzettes et martins-pêcheurs ont commencé à fréquenter les zones nouvellement formées.
Protégée du piétinement et des incendies, la roselière à l’est du site s’est densifiée. Un petit canal peu profond, alimenté par une source souterraine, a attiré libellules et demoiselles venues pondre. Le chant du phragmite des joncs s’est à nouveau fait entendre — et plusieurs couples ont niché sur le site pour la première fois depuis des décennies. Fait historique : Salina fut le premier site de reproduction connu de cette espèce à Malte, en 1977.
Les défis
Tout ne s’est pas déroulé sans heurts. En juin 2023, Malte a été frappée par un phénomène maritime rare appelé seiche atmosphérique (ou « tsunami atmosphérique »), provoqué par une brusque variation de pression atmosphérique. De très hautes vagues ont soudainement fait monter le niveau de la mer d’environ un mètre, inondant tout le réseau de canaux et de mares d’eau salée.
Les vagues ont charrié de grandes quantités d’algues et endommagé la roselière, détruisant certains nids de phragmites et augmentant fortement la salinité du site. Les zones alimentées par la source d’eau douce ont rapidement évacué le sel, mais il faudra sans doute plusieurs années pour que l’ensemble du site retrouve un équilibre.
Résultats
Malgré cet incident, la faune et la flore aquatiques se sont rapidement développées. De nombreuses espèces d’oiseaux d’eau ont commencé à fréquenter régulièrement le site. Le baguage a permis de confirmer que des limicoles migrateurs, dont des espèces de l’annexe I comme le chevalier sylvain, séjournaient plusieurs jours et prenaient du poids grâce à l’abondance de proies dans les vasières. D’autres espèces hivernantes à Malte, comme le râle ponctué (également espèce de l’annexe I), ont aussi colonisé la zone.
Fidèle à son approche, BirdLife Malta a également veillé à intégrer la dimension humaine dans la restauration. Deux observatoires ornithologiques ont été installés, permettant au public d’observer la nature sans perturber l’écosystème. Dès leur ouverture en septembre 2023, ces abris ont attiré de nombreux photographes d’oiseaux, séduits par la conception du site et la proximité avec la faune.
L’aire éducative créée dans le cadre du projet a également été saluée pour son aménagement et sa richesse naturelle. Grâce à des financements complémentaires, l’équipe d’éducation de BirdLife Malta a été renforcée par un membre du personnel à temps plein, permettant d’accueillir un flux régulier de classes pour sensibiliser les enfants à la nature et à l’importance des zones humides.
Conclusion
Ce projet a réuni des décennies d’expérience acquises par l’équipe de BirdLife Malta dans la gestion des zones humides. Bien que petites à l’échelle du pays, ces zones humides jouent un rôle essentiel dans la préservation d’habitats rares et offrent des sites de halte sûrs pour les oiseaux migrateurs. Elles constituent aussi des outils éducatifs précieux, tant pour les jeunes générations que pour le grand public, local comme touristique.
Ce projet n’aurait pas pu voir le jour sans la confiance et le soutien financier considérable de DIMFE, à qui BirdLife Malta exprime toute sa gratitude.